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    22/03/2016 La Belgique pleure... - Montage Vidéo Kizoa

    (...)SOI-DISANT CALIFE

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    Phénomène paradoxal qui s’enracine dans l’Islam, tout en le défigurant. C’est ce qu’ont compris les foules innombrables qui ont manifesté pour le dénoncer, sans jamais s’en prendre à l’Islam comme tel. Il convient en effet de distinguer ce dispositif de pouvoir qu’est le djihadisme et ce dispositif de croyance qu’est la religion musulmane, au même titre que les autres religions. Certes, ces deux types de dispositifs peuvent s’étayer, se conjoindre, voire dans certains cas fusionner ; mais il arrive que leur conjonction se défasse, qu’un dispositif de croyance devienne un foyer de résistance au pouvoir, ainsi que le montre l’histoire des hérésies et des dissidences religieuses.

    Pourquoi affirmer que le djihadisme est un dispositif de pouvoir ? Parce qu’il vise la conquête du pouvoir souverain, du pouvoir d’État. En atteste le nom même du plus puissant de ses réseaux - « État islamique »- et le titre de « calife » que s’est arrogé son chef. Pouvoir qui excède cependant les limites territoriales d’un État au sens traditionnel : le premier geste du soi-disant calife, après la prise de Mossoul, aura consisté à abolir la frontière entre l’Irak et la Syrie, comme pour montrer au monde que son pouvoir a vocation à s’étendre de manière illimitée en faisant de la Terre entière un dar ul harb, un « domaine de la guerre » où ses réseaux peuvent frapper où bon leur semble.

    Il y a, Foucault nous l’a appris, différentes sortes de dispositifs de pouvoir : dispositifs d’exclusion, de normalisation disciplinaire, dispositifs de sécurité et de contrôle. Il faut ajouter à cette liste des dispositifs dont l’unique vocation consiste à anéantir les sujets dont ils font leur cible : des dispositifs de terreur. Certains choisissent des cibles déterminées, alors que d’autres s’efforcent de faire le plus grand nombre de victimes. En fait, un même dispositif de terreur peut user indifféremment de ces deux modes d’action : selon les circonstances, le terrorisme djihadiste opère tantôt par des assassinats ciblés, tantôt par des attentats aveugles, bien que ses objectifs fondamentaux restent les mêmes.

    La force et la vérité du mot d’ordre "Je suis Charlie" tient à cela : il ne s’agissait pas seulement de manifester notre solidarité avec toutes les victimes de l’attentat, mais aussi d’affirmer que n’importe qui peut devenir la cible du dispositif de terreur. Dans la stratégie du djihadisme, assassinats et attentats cessent d’être de simples moyens au service d’une fin : l’exercice de la terreur devient lui-même le but de l’action. (...)


    (...)Foucault ne s’est pas assez interrogé sur ce qui incite les individus à adhérer aux dispositifs de pouvoir. Pour qu’un homme accepte de se soumettre à un dispositif, il faut que celui-ci soit parvenu à capter certains de ses affects, de ses désirs, de ses fantasmes, à les intensifier ou les modifier, à les infléchir en les orientant vers certaines cibles. Les affects qui animent un grand nombre de jeunes, victimes du chômage , du racisme, de leur relégation dans des quartiers déshérités, sont des sentiments de révolte contre l’injustice : l’indignation, la colère. Il arrive toutefois qu’une juste colère se transforme en un autre affect qui ne tient plus aucun compte du juste et de l’injuste, mais vise uniquement à détruire son objet.

    Cet affect mortifère est la haine. En captant la révolte, l’indignation, la colère, les dispositifs de terreur les exacerbent, les font virer à la haine et donnent à cette haine des cibles contre lesquelles se déchaîner. Comment empêcher le djihadisme d’exploiter une rébellion légitime ? En luttant concrètement contre l’injustice qui l’engendre, contre toutes les formes d’oppression et de ségrégation ; mais aussi en travaillant collectivement, patiemment, à re-fonder un projet d’émancipation qui aura tiré la leçon des désastres du XX° siècle. Seule une politique d’émancipation qui saurait « tirer sa poésie de l’avenir et non du passé » pourra parvenir à briser la logique de la haine.

     

    Jacob Rogozinski est professeur à la Faculté de philosophie de Strasbourg



     

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