Manuel Valls a-t-il réussi à ébranler le front des sept organisations – CGT, FO, FSU, Solidaires, UNEF, FIDL, UNL – qui demandent le retrait de la loi travail ? C’était à l’évidence son objectif en recevant, mercredi 29 juin, avec Myriam El Khomri, les confédérations représentatives. Solidaires, non représentative et donc non reçue, a accusé le premier ministre de jouer « la division » syndicale. A l’issue de ces entretiens, qualifiés au ministère du travail de « studieux et constructifs », les lignes ne semblent pas bouger. « Il n’y a pas de sortie par le haut, a affirmé Jean-Claude Mailly, le secrétaire général de FO. Ce n’est pas la fin du mouvement ». « La mobilisation pèse et a obligé [le gouvernement] à lâcher du lest, a déclaré Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT au Parisien du 30 juin. Ce qui est pris n’est plus à prendre. Manuel Valls recule petit à petit. Mais nous sommes encore très loin du compte ». « Face à un tel mur, ajoute-t-il, ça va se jouer dans la rue ».
Si le gouvernement n’a pas bougé d’un iota sur l’article 2, qui consacre aux yeux des opposants l’inversion de la hiérarchie des normes en donnant la primauté aux accords d’entreprise sur le temps de travail, les concessions, annoncées par Mme El Khomri au Monde, sur le rôle des branches ont été plutôt bien accueillies. Sur six thèmes – « les salaires, les classifications, la formation professionnelle, la prévoyance, l’égalité professionnelle et la pénibilité » –, la branche « sera confirmée comme le niveau de négociation », a souligné M. Mailly qui a jugé que c’était un « point positif » tout en réclamant d’y rajouter l’emploi.
« Projet injuste et illégal »
Le secrétaire général de FO a expliqué au Monde qu’il avait mis « deux conditions » pour une sortie par le haut : le renforcement du rôle des branches et la modification de l’article 2 afin que les heures supplémentaires, le travail de nuit et le temps partiel ne relèvent plus des entreprises. Il n’a pas obtenu satisfaction sur sa deuxième condition. « L’article 2 est devenu un totem, note-t-il. Le premier ministre est complètement figé là-dessus au point que je lui ai demandé s’il était favorable à la baisse du pouvoir d’achat des salariés. Il n’a pas répondu ».
Lors de l’entretien, M. Valls a fait allusion au qualificatif de « pyromane » dont le secrétaire général de FO l’avait affublé quand il avait envisagé d’interdire les manifestations. « Tu l’as bien cherché ! », lui a rétorqué M. Mailly. Ce dernier a cependant reconnu « une avancée » : « Quand j’engrange quelque chose je le dis, commente-t-il, mais il reste un gros point noir ». La tonalité était différente à l’issue de l’entretien avec la CGT, qui s’est déroulé selon une source gouvernementale dans « un climat sérieux de travail sans tensions particulières ». M. Martinez a confirmé son « profond désaccord », parlant de « petites avancées ». D’emblée, le secrétaire général de la CGT a lu une déclaration soulignant que le projet El Khomri est « hors la loi internationale » devant l’Organisation internationale du travail et les Nations unies. « Un projet injuste et illégal », a-t-il asséné.
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La CGT a présenté un document avec des propositions pour « instaurer l’accord majoritaire à tous les niveaux de la négociation ». Elle a mis l’accent sur les accords de groupe qui « doivent respecter le principe de faveur » et la lutte contre les discriminations syndicales. L’ouverture d’une négociation pour définir avant le 31 décembre un « ordre public conventionnel » dans les branches et la saisine du Haut conseil du dialogue social sur la refonte du code du travail ont été jugées, comme le renforcement du rôle des branches, « intéressantes » mais « insuffisantes ». M. Martinez et M. Mailly, qui se sont rencontrés mercredi au siège de FO, assurent qu’ils ne sont pas « en désaccord ». « Nous n’avons aucune différence d’appréciation », affirme le dirigeant de la CGT. Mais si elles prétendent jouer la même musique elles n’ont plus la même partition.
Intensifier le lobbying
Mercredi, M. Mailly a ainsi indiqué par rapport à la journée d’action annoncée le 5 juillet que FO « n’est pas dans la logique, pour le moment, de poursuivre des manifestations ». Les sept organisations devaient en discuter jeudi. L’idée est d’intensifier le lobbying auprès des parlementaires alors que la CGT et FO s’attendent à ce que le gouvernement recoure de nouveau à l’article 49.3. La CGT envisage de « nombreuses initiatives » durant l’été, notamment autour du Tour de France. Et FO réfléchit à des opérations visant à instaurer pour les vacanciers des « péages gratuits »…
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Mercredi, ce sont les centrales favorables à la loi travail qui ont ouvert le bal à Matignon. Reçu en premier, Philippe Louis, le président de la CFTC, s’est dit « satisfait » sur la « clarification du rôle de la branche qui déterminera, hors du temps de travail, les domaines où les entreprises ne pourront pas déroger ». Laurent Berger, le secrétaire général de la CFDT, s’est félicité du fait que « l’article 2 n’est pas touché ». « Rien ne change fondamentalement », a-t-il confié au Monde. Il a indiqué que le gouvernement a repris une proposition de la CFDT sur l’article 13 afin que « chaque branche puisse négocier sur un ordre public conventionnel, hors temps de travail ». « C’est un enrichissement utile », a-t-il souligné.
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